Après plus de dix ans d’atermoiements coûteux, le Dossier Médical Personnel devient « partagé » et renaît de ses cendres. A l’origine confié à l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (Asip), il sera désormais géré par l’Assurance maladie, comme le prévoit le projet de loi santé en cours d’adoption.
La Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) a précisé hier lors d’une conférence de presse (lien vers le dossier de presse de la Cnam sur le DMP) comment elle entendait relancer le Dossier médical personnel (DMP), qui pour l’occasion change de nom et devient « partagé ».
La loi santé, encore en cours de discussion, prévoit en effet de confier à la Cnam la gestion de cet épineux dossier. L’intéressée s’en est d’ores-et-déjà saisi et indique avoir « exploré les modalités de mise en œuvre de cet outil de coordination des soins, attendu par tous, patients comme professionnels de santé ».
Le dossier médical partagé, c’est bientôt automatique !
Ce dispositif vise à simplifier la transmission des informations administratives, médicales et paramédicales entre les soignants et in fine à améliorer la qualité des soins prodigués aux patients. Lancé en 2004, à l’initiative du ministre de la santé de l’époque Jean-François Mattéi, le DMP n’a jamais pris son envol. Les différentes tentatives de mise en musique ont coûté des centaines de millions d’euros.
La situation serait-elle sur le point de se débloquer ? La Cnam semble en tout cas sûre de son fait. La création du dossier sera proposée aux assurés à compter du deuxième semestre 2016, lors de leur connexion à leur compte personnel sur le site de l’Assurance maladie. Selon la Cnam, environ 19 millions de Français ont activé ce compte mis en place en 2008 pour permettre aux patients de suivre leurs remboursements et d’effectuer certaines démarches administratives.
L’existence du DMP sera spécifié sur la carte Vitale de l’assuré dès son activation afin que les professionnels de santé intervenant dans sa prise en charge (médecins, dentistes, kinés, infirmières, etc.) en soient informés et puissent commencer à l’alimenter. A noter que le patient disposera de la possibilité d’en réserver l’accès à un nombre limité de professionnels.
Les données d’hospitalisation incluses dans le dispositif DMP
Le dispositif dans sa nouvelle formule prévoit qu’en plus des informations collectées dans le cadre des soins prodigués par les médecins de ville, les données de santé récoltées lors d’une hospitalisation y soient également présentes. Ce n’était pas le cas du projet original.
Autre nouveauté : le DMP sera automatiquement alimenté par les remboursements conservés par l’Assurance Maladie au cours des 12 derniers mois. « Il permettra de suivre les soins qui ont été effectués depuis 1 an, évitant ainsi tout acte inutile ou redondant », indique la Cnam. Voilà pour la théorie. En pratique, il reste encore à convaincre les producteurs de l’information. Pour l’Assurance maladie, « un des enjeux sera d’encourager les établissements de soins à se mobiliser pour consigner dans le DMP notamment les comptes rendus d’hospitalisation, les résultats de biologie ou d’imagerie ainsi que les courriers de liaison entre médecins spécialistes et médecin traitant».
« Afin d’accélérer le déploiement du DMP chez les professionnels [de santé], qui fustigent son aspect chronophage ou l’incompatibilité de leurs logiciels avec ce dispositif, rapportait l’AFP en septembre, l’Assurance maladie envisage notamment la mise en oeuvre d’un intéressement à l’alimentation du DMP dans le cadre de la rémunération sur objectif de santé publique ». Ce point sera abordé lors des négociations conventionnelles entre l’Assurance maladie et les syndicats de professionnels qui s’ouvriront en 2016.
Un dossier numérique entièrement consultable par le patient
Tel qu’il est imaginé sur le papier, le DMP est susceptible de contenir les informations suivantes :
- Des renseignements administratifs (identifiant, adresse, n° de téléphone, personne à prévenir en cas d’urgence) ;
- Des renseignements cliniques (pathologies en cours, antécédents, allergies médicamenteuses, facteurs de risque) ;
- Des informations sur les soins (traitements au long cours en lien avec l’historique des remboursements, etc.) ;
- Des données cliniques (motif et compte-rendu de consultation, suivi de la tension, compte-rendu d’imagerie, résultats d’analyse biologiques, compte-rendu d’opération en cas d’intervention) ;
- Les courriers des spécialistes étant intervenus dans le parcours de soins ;
- Les données de prévention (vaccinations, dates des derniers dépistages (frottis, mammographie, coloscopie, etc.) ;
- D’autres informations utiles, comme par exemple les choix du patient en matière de don d’organes ou ses souhaits quant à sa fin de vie (directives anticipées).
Dans quelle mesure le patient pourra-t-il accéder à ses propres données ? Sollicitée par 66 Millions d’Impatients, la Cnam assure que les patients disposeront d’un accès sans restrictions aux informations de leur dossier. Avec cette réserve toutefois que les documents pouvant contenir des éléments anxiogènes (des résultats d’analyse par exemple laissant soupçonner la survenue d’une maladie grave) ne seront consultables qu’après un laps de temps qui reste à définir. L’idée étant de réserver aux médecins l’annonce d’un diagnostic qui pourrait ébranler le patient.
Source : 66 millions d’imPATIENTS