Nous avons tous en tête l’idée qu’en ce qui concerne la progression structurale (ossification rachidienne) dans la spondylarthrite ankylosante (SA) : premièrement les anti-TNF Alpha n’ont pas d’effet favorable, deuxièmement les AINS, en particulier en continu, pourraient avoir un effet favorable. Il faut se remémorer que le premier point repose sur le suivi à deux ans de trois essais thérapeutiques randomisés d’anti-TNF Alpha contre placebo, en comparaison avec une cohorte historique traitée par traitement conventionnel, la cohorte Oasis (1-2). Il a déjà été souligné à de nombreuses reprises qu’il existe bien sur des biais dans une comparaison avec une cohorte historique, que ces patients avaient tous une durée de la maladie importante au moment du traitement, et que le suivi radiographique n’était que deux ans, ce qui peut paraître court pour analyser un processus d’ossification relativement lent dans la SA. Le deuxième point repose sur d’une part une moindre progression radiographique observée chez les patients prenant du célécoxib en continu pendant deux ans par rapport à ceux en prenant à la demande (3), d’autre part une moins grande progression radiographique sur deux ans dans la cohorte GESPIC chez les patients considérés comme « gros consommateurs » d’AINS par rapport à ceux considérés comme « petits consommateurs » (4). Dans l’étude célécoxib, la pertinence de la différence de progression du score mSASSS sur deux ans entre les deux groupes de traitement reste à établir.
Une première étude est venue très légèrement ébranler ces idées peut être trop rapidement admises (2). Cette étude allemande, portant certes sur un faible effectif de patients (n=56), a comparé la progression radiographique sur 8 ans chez des patients traités par infliximab (n = 22) a des contrôles d’une cohorte historique du même service non traités par anti-TNF (n = 34). Il ressort, après ajustement sur le score radiographique à l’inclusion, qu’il n’y a pas de différence de progression radiographique entre les deux groupes entre 0 et 4 ans, mais qu’il existe une moindre progression radiographique, de façon significative dans le groupe infliximab entre 4 et 8 ans. Au total, entre 0 et 8 ans, il existe une moindre progression radiographique sous infliximab. Ceci pourrait suggérer qu’en administration prolongée les anti-TNF sont peu à peu susceptibles, en supprimant l’émergence de tout nouveau foyer inflammatoire, de ralentir la progression radiographique (5). La deuxième étude, beaucoup plus puissante, est publiée ce mois ci (octobre 2013) (6). Un groupe multi-centrique nord américain a suivi 334 patients ayant une SA disposant de deux jeux de radiographies du rachis séparés d’au moins un an et demi. Cent-deux des 334 patients ont été considérés comme progresseurs radiographiques, définis par une augmentation d’au moins un point du mSASSS par an. L’analyse multi variée, tenant compte des facteurs confondants dont le facteur majeur qu’est le score mSASSS à l’inclusion, a identifié trois autres facteurs comme étant liés à la progression radiographique : la vitesse de sédimentation à l’inclusion, le tabagisme en paquet/année, et l’existence d’un traitement par anti TNF ; ce dernier effet était favorable avec un Odds ratio de 0.47 vis-à-vis de la progression radiographique (p < 0.03). De façon plus fine, il a été observé une relation significative entre la durée du recours au traitement anti-TNF et la diminution du nombre de progresseurs radiographiques, également une relation entre la précocité de l’introduction du traitement anti TNF dans l’histoire de la maladie et l’effet de ralentissement de la progression radiographique. D’autres facteurs n’ont pas été retenus comme étant associés de façon indépendante en multi varié à la progression radiographique, comme le sexe, l’HLA B27 et de façon plus surprenante la consommation d’AINS (que ce soit en utilisant le score de consommation AINS, ou la séparation de la population en deux groupes : les gros consommateurs versus les petits consommateurs) (6).
Cette dernière étude, observationnelle, bien que de grande ampleur, peut bien sur de par sa méthodologie contenir des biais, ce qui ne nous permet pas aujourd’hui d’affirmer que les anti TNF ont un effet de ralentissement de la progression structurale dans la SA. Néanmoins, il n’est peut être plus possible non plus d’affirmer que les anti TNF n’ont pas d’effet favorable sur cette progression. Quant aux AINS, il faudra incontestablement d’autres études pour admettre définitivement leur effet structural favorable.
RÉFÉRENCES
[1]. Assessment of radiographic progression in the spines of patients with ankylosing spondylitis treated with adalimumab for up to 2 years.. van der Heijde Desiree et al. Arthritis research & therapy 2009 Aug; 11(4): R127 [source]
[2]. Radiographic findings following two years of infliximab therapy in patients with ankylosing spondylitis. van der Heijde D, Landewé R, Baraliakos X, Houben H, van Tubergen A, Williamson P, Xu W, Baker D, Goldstein N, Braun J; Ankylosing Spondylitis Study for the Evaluation of Recombinant Infliximab Therapy Study Group. Arthritis Rheum. 2008 Oct;58(10):3063-70 [source]
[3]. Nonsteroidal antiinflammatory drugs reduce radiographic progression in patients with ankylosing spondylitis: A randomized clinical trial. Astrid Wanders et al. Arthritis & Rheumatism 2005; 52(6): 1756-65 [source]
[4]. Effect of non-steroidal anti-inflammatory drugs on radiographic spinal progression in patients with axial spondyloarthritis: results from the German Spondyloarthritis Inception Cohort. Denis Poddubnyy et al. Annals of the Rheumatic Diseases 2012; 71(10): 1616-22 [source]
[5]. Continuous long-term anti-TNF therapy does not lead to an increase in the rate of new bone formation over 8 years in patients with ankylosing spondylitis. Xenofon Baraliakos et al. Annals of the Rheumatic Diseases 2013; aop:10.1136/annrheumdis-2012-202698 [source]
[6]. The Impact of Tumor Necrosis Factor α Inhibitors on Radiographic Progression in Ankylosing Spondylitis. Nigil Haroon et al. Arthritis & Rheumatism 2013; 65(10): 2645-54 [source]